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Après la voie routière internationale, il
y a une très grande ligne à haute tension, qu’il nous faudra “couper”
également. (Je fais allusion à notre trajectoire et à celles “des
inséparables”). Une fumée, en face de nous ; le vent force et, sa
direction change à l’approche du sol pour cause d’ensoleillement,
de relief, d’autres effets de Ventury, de Buys-Ballot et de tutti
quanti !
Nous devons en tenir compte, afin d’éviter de nous vautrer dans les
maïs, coupés ou non, ou d’être entraînés vers quelques très rares
arbres fruitiers qui parsèment un immense pâturage, sans vache, légèrement
en montée. Tout ceci nous invite à des aventures aérostatiques, bucoliques
et patriotiques à la fois, puisque le clairon va retentir devant le
monument aux morts de la petite commune de Sonnaz, située entre Chambéry
et Aix-les-Bains.
Le Maire, (un ami que j’ai fait voler il y a quelque temps au départ
de sa commune) doit être à la cérémonie qui commence près du monument
aux morts “des dernières guerres”.
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ACTE II - L’ACCIDENT |
J’ai décidé de me poser avant la ligne de
crête qui matérialise pour moi la zone à ne pas dépasser, si je ne
veux pas “repartir vers de nouvelles aventures”. A l’heure qu’il est
! Et à mon âge ! ! ! Et puis, il y a les services de la Navigation
Aérienne qui veillent, même s’ils n’ont pas daigné répondre à mes
diverses sollicitations préalables, radioélectriques et réglementaires,
à la fois.
Discrètement, mais vite quand même, je survole les maïs à très basse
altitude (il n’y a plus de pâquerettes !). J’avais décidé ! J’exécute
! ! ! ITE MISSA EST !
Pas exactement où j’avais prévu, il est vrai… Mais en “totale sécurité”
avec une marge dans tous les sens, à condition que la nacelle soit
immobilisée, en dépit du vent, quelques mètres avant la bordure du
champ de maïs.
On pare au plus pressé ! Et le “frêle esquif” achève sa course ; la
voile est affalée dans le pré (apparemment) et définitivement, semble-t-il.
Tandis que “je maintiens bordée la drisse de la voile principale”
(et unique) trois passagers rayonnants, comblés, ravis, souriants,
décontractés, heureux, bavards, satisfaits et remboursés (avec nous,
toujours le cas, car nous n’effectuons pas de vol à caractère onéreux)
débarquent et sont rappelés à la dure réalité par un vieux “loup de
l’air” et de Rocamadour, qui lance vertement, en prétendant arbitrairement
“qu’un vol en montgolfière n’est terminé que lorsque l’équipage et
le matériel sont rentrés au port d’attache, sans dommage et au complet
!”.
Alors, ce vol n’est pas prêt de finir ! ! ! Jugez plutôt ! La corde
de couronne ayant été décrochée par le pilote, les passagers sollicités
par lui s’en sont saisis et sont allés, un à un, comme cela se fait
habituellement pour faciliter l’évacuation totale de l’air de l’intérieur
de l’enveloppe et, par suite de repliage, ou mieux de la mise en housse,
de celle-ci.
Après avoir vérifié l’intérieur de la nacelle très attentivement,
je sors de celle-ci en tenant toujours la corde rouge à la main ;
par habitude, plus que par nécessité.
J’inspecte le brûleur, je m’étais rendu compte que le coupe-vent se
trouvait derrière moi. Il est juste au-dessus du brûleur de la nouvelle
génération dont cet ensemble est pourvu depuis peu. Il est équipé
de veilleuses fonctionnant en phase liquide, que je n’ai pu “vidanger”,
en raison des circonstances mêmes de notre atterrissage et de la position
du coupe-vent, à l’impact. |
« Précedent |
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Inutile d’envisager autre chose pour l’instant,
me semble-t-il, sinon d’orienter les serpentins légèrement vers le
sol. Ce que je fais, sur le champ. (Au sens propre et figuré, à la
fois).
Je hèle mes équipiers, attentifs mais bavards, selon la tradition.
Je demande à Rémi, seul, de venir m’aider à finir de conditionner
la voilure en vue de sa mise en sac. Je lâche alors la corde rouge,
tandis que les deux autres passagers, disciplinés, demeurent à la
corde de couronne, consciencieusement animés par le désir de participer,
qui n’est pas forcément incompatible avec celui de se recueillir ou
de faire quelques photos-souvenirs.
Tiens ! Un peu de fumée, près du brûleur… Pourtant, le scoop ne touchait
pas le brûleur… Bizarre ! ! ! Il faut voir ça de plus près ...
Il y a du vent (5 à 6 nœuds).
Le relief, l’ensoleillement… (voir plus haut). Des flammes maintenant
“qui descendent” vers la nacelle, qui constitue un efficace écran
au vent. Je vais saisir l’extincteur et remettre un peu d’ordre dans
tout cela ! Avant qu’il ne soit trop tard… Ce qui fut dit, ne fut
pas fait ; du moins complètement…
Votre question (que je devine facilement) : “L’extincteur n’aurait-il
pas fonctionné ?”.
Ma réponse, lapidaire (pour une fois !) :
“Si, parfaitement !”.
L’ensemble des lecteurs de l’Aéro-Note”, d’une seule voix : “Alors,
raconte-nous ce qui t’est arrivé, comment ça s’est passé, etc. etc”.
Et bien, la suite, comme dans tous les feuilletons, je vous la laisse
imaginer. Cependant, je lève un coin du voile pour dire que les flammes
ont été attisées par le vent, etc. etc.
Je vous la raconterai probablement dans le prochain numéro de l’Aéro-Note.
Mais, auparavant, je souhaiterais que vous m’écriviez si des cas semblables
vous sont arrivés et, si vous avez envie de m’en faire part, afin
que je puisse utiliser, confidentiellement s’entend, vos témoignages,
vos observations, voire vos critiques.
Je reçois tout à mon adresse personnelle, et je rédigerai bientôt
les derniers actes de ce qui a bien failli être une “grande tragédie
moderne”.
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POST-SCRIPTUM PROVISORIUM |
Vous pensez peut-être que j’exagère ?
Alors, attendez la suite. Vous “jugerez” bien mieux. C’est tellement
plus facile ! Encore faut-il avoir le temps, l’envie, la patience,
l’humilité, de raconter ses erreurs, afin d’éviter que d’autres ne
les commettent. Car, qui n’a jamais commis de faute ? En aérostation,
comme ailleurs…
Je suis actuellement à l’Hôpital St-Luc à Lyon (au service des brûlés)
aux soins urgents.
Demain, je bénéficierai d’une greffe pour cause de brûlures du 3e
degré. Ensuite est prévu un long séjour en établissement spécialisé
pour la rééducation. Trois mois de séjour m’y sont réservés. Si je
pouvais éviter ce type de “vacances” à certains pilotes ou passagers,
j’aurais moins de mal à supporter mon calvaire. Mon expérience serait
moins inutile !
Mais Orphée lui-même, n’a-t-il pas survécu ? Il y a lieu de toujours
se souvenir que, selon St-Exupéry : “la réussite est faite d’échecs”.
Quel bien heureux présage !
Lyon, le 23 novembre 2000
André Chambon
alias ORPHÉE (à titre provisoire) |
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