Alors qu'ils espéraient une traversée de trois jours, la veille de leur départ, ils ont appris par leur routeur météo le Belge Luc Trullemans (bien connu pour avoir conduit à la victoire l'équipage Bertrand Piccard et Brian Jones, dans leur conquête de Tour du Monde en rozière), que la traversée serait sans doute bien plus longue, les vents annoncés étant très faibles.

Ils ont alors pris deux bouteilles de propane supplémentaires afin de parer à toute éventualité. Une sage précaution. Ils sont donc partis avec 16 bouteilles. Même si les deux pilotes ont confié leur joie d'avoir déjà réussi cette traversée, cette première française leur permet de conquérir, outre le nouveau record du monde de durée dans la catégorie AM 07 (2200 m3), détenu jusque là par les Espagnols Tomas Feliu Rius et Jesus Gonzales depuis le 8 février 1992 avec 129 h 10 min, d'établir trois records de France de distance (4792,57 km), de durée (146 h 49 min 24 sec) et d'altitude (5218 m) (sous réserve d'homologation en cours).
D'ailleurs pour cet équipage, même si Laurent Lajoye totalise plus de 600 heures de vol en montgolfière et Christophe Houver 150 heures, c'était un grand plongeon dans l'inconnu, n'ayant jamais piloté une rozière en dehors d'un vol d'essai sur un petit ballon de ce type, mais de 400 m3 et durant seulement une heure.

Le récit de leur traversée est à l'image de ce que beaucoup de pilotes qui ont tenté de telles aventures ont rencontré. Pluies verglacées, neige, zone de cumulus dans laquelle ils ont été ballottés dangereusement durant de longues minutes, formation de stalactites qu'ils ont du régulièrement briser pour ne pas risquer de trop alourdir l'enveloppe. Le pire pour eux a été le froid qu'ils ont du endurer à plus de 5000 mètres d'altitude, avec moins dix degrés.

Leur nacelle expérimentale qu'ils avaient conçu avec des Ingénieurs d'une école de Metz (Capitale régionale de la Lorraine - Est de la France) ne possédait pas de chauffage et n'était pas sur pressurisée. Leur enveloppe fabriquée par Per Linstrand possédait déjà une longue histoire de record puisque c'est avec cette dernière que le constructeur et Richard Branson avaient tenté leur premier tour du monde en rozière.

Durant toute la traversée une équipe au sol a maintenu un lien indispensable. Le public, les médias, les partenaires, ont pu suivre la course, jour et nuit, sur un grand écran, au PC de la Course installé au siège du Gouvernement régional de Lorraine, grâce aux données fournies par la balise argos et les éléments transmis par internet par l'équipage.

Au delà d'une victoire d'équipe, tant au sol que dans le ballon, cette performance sportive a été réussie, grâce à une préparation importante et à un bon choix technologique. Mis à part le fax et les faiblesses de la balise argos, le matériel particulièrement mis à rude épreuve, n'a jamais lâché. Même la nacelle qui était plus prévue dans sa conception pour résister à un amerrissage qu'à un atterrissage sur la terre ferme, a parfaitement répondu aux attentes des pilotes. Lors de l'arrivée en France, ils se sont posés sans difficulté et en douceur. Ni casse, ni bleu.

Le lundi qui a précédé leur atterrissage, Laurent et Christophe commençaient à fatiguer. Mais les nouvelles rassurantes d'une amélioration météorologique leur ont permis de continuer alors qu'ils songeaient se poser sur les Côtes de Cornouaille, en Angleterre. Ils ont traversé la Manche dans la nuit avant de pénétrer au petit matin sur les Cotes françaises.

Les deux pilotes originaires de Lorraine, patrie natale de Jean-François Pilâtre de Rozier (qui le premier a tenté et réussi un vol en montgolfière le 21 novembre 1783), préparaient cette tentative depuis 3 ans avec de modestes moyens financiers. C'est avant tout le travail d'une petite équipe ambitieuse et déterminée, la capacité d'adaptation des pilotes et le soutien des partenaires qui ont été déterminants dans cette épopée de fin du 20ème siècle.

Philippe Buron-Pilâtre

Site officiel de la traversée